Cuisine et dependances

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CUISINE ET DEPENDANCES

Commedia

Di AGNES JAOUI – JEAN PIERRE BACRI

PERSONAGGI

 FRED

GEORGES

MARTINE

JACQUES

CHARLOTTE

Commedia formattata da

ACTE  I

 

le decor, unique. représente une ansine. Une porte donne sur un coulotr qui méne au salon, une autre ouvre sur une sorte de terrasse. Lorsque la pièce commence, unhomme esten tram de fumer sur cette. terrasse, e'est Georges. Unautres'afjairedanslacmsine, e'est Jacques, lls ont une quarantenne d'années. Jacques est encombré de quelques verres, d'un seau à ftlace, ou de ce qu 'on voudra, et nes'en sort pas,

JACQUES                             - Georges?... Tu es occupé?...

GEORGES                            - Je fumé.

JACQUES                             - Je vois bien que tu fumes, je ne te demande pas si tu fumes... Tu peux me donner un petit coup de main, s'il te pla? t ?... (Georges traverse le plateau, ouvre la porte à Jacques qui n'avaitpas besoin de ca, puis rejoint la terrasse.) Merci... (Il se débrouilie tout seni.) Tu m'as bien aidé... (Jacques sort. Après un certain temps, il revient, toujours affairé.) Tu vas d? ner dans la cuisine ? 

GEORGES                            - Je prends l'air, je suis dehors... Je prends l'air...

JACQUES                             - Tu comptes passer la soirée ici?

GEORGES                            - Quel mépris !! Deux heures de retard, et pour finir, un prétexte débile, trouvé à la va vite, mème pas foutus d'inventer quelque cho.se de plausible, il n'y a que du mépris, là-dedans...

JACQUES                                         - Jls se sont excusés, Georges, £a arrive, d'ètre coincé, en volture...

GEORGES                            - Qu'est-ce que capeutfoutre, cette excuse sur les embouteillages ?  II découvre les embouteillages ? Ca fait quarante ans qu'il habite ici, il devrait ètre prévenu, maintenant... À Paris, il y a des embouteillages... (Un temps.) Non, tu comprenda, ètre en retard, cafaitriche, etquand on est célèbre cornine lui, n'en parlons pas, c'est une tradition, c'est quasiment obligatoire, on tarde, on tarde, et on apparait enf? n aux yeux du peuple !... AAAAH !... « C'est le Monsieur de la télevision...»    - (Un temps.) La belle affa? re, quel est le con qui ne passe pas à la télévision ? ...

JACQUES                             - Os se sont platement excusés, lui et elle, ca devrait te suff? re, et pu? s ce n'est pas deux heures, c'est àpeine une heure quinze...

GEORGES                            - Bon, disons une heure vingt-deux, par exemple... C'est toujours du retard, non ? Un temps.

JACQUES                             - C'est très disproportionné, tout ca, Georges...

GEORGES                            - Pas du tout, pour moi, fa n'a rien de disproportionné, je me suis mème trouvé coulant... (Jacques soupire.) Ne soupire pas comme si tu avais affaire à un enfant... ou un malade... Tu sais très bien que je suis plus à cheval que toisur...

JACQUES                             - Tu es toujours à cheval, tu passes ton temps à cheval !... Descends !... Détends-toi, soufflé, un peu...

GEORGES                            - Je n'ai pas envie de descendre, figure-toi, je me sens très bien à cheval, je préfère ètre à cheva?  qu'à genoux...

JACQUES                             - Mais, Georges, il y a un monde !... un MONDE, entre les deux... Bon, jenevais pas discuter une heure, c'est moi qui suis impoli, maintenant... Georges repart terminer sa amarette sur la (errasse.

GEORGES                            - Oui, oui, voilà... Ne laisse surtout pas refroidir, ce n'est pas ici l'événement... C'est là-bas...

JACQUES                             - Tu es chiant !!... Quand tu t'y mets, tu es chiant, Georges, excuse-moi de te le dire... De toute facon, je le sentais, je l'ai dit à Martine... Et elle n'avait pas besoin de moi, elle le sentait aussi... J'étais convaincu que tu ferais la gueule... Ou que tu trouverais quelque chose à redire, et effectivement, tu me bousilles tout d'entrée...

GEORGES                            - Ils arrivent avec deux heures de retard, et c'est moi qui te bousille tout d'entrée ? ... C'est le monde à Penvers !!... Et puis n'exagérons rien, il n'y apas de catas-trophe, je suis parti brutalement, bon... Ce n'est pas insurmontable, ils auront pensé que j'ai simplement accuse le coup, c'est le fa? t de les revoir, c'est un...choc affectif, disons...

JACQUES                             - Un choc affectif?...

GEORGES :                                      - (après unpetit temps) Est-ce que je suis arrivé en retard, mo?  ?

JACQUES                             - Tu habites ici, c'est plus facile... Et puis on n'attendait pas sous la pluie, on était dans le salon, tranquillement, entre nous...

GEORGES                            - On était mort de faim, et on a tourné en rond, voilà ce qu'on a fait... Mora-lite, je me suis bourré de pistaches comme un con...

JACQUES                             - Manine aussi, d'ailleurs, vous vous étes complètement coupé l'appétit, bon, je suis impoli, moi aussi, il faut que j'y aille ... (Puis sur le pas de la porte.) Et Charlotte ?... Tu n'es pas coment de la voir ?... Elle oui... Elle a dù te trouver bizarre...

GEORGES                            - Elle a dù me trouver bizarre, elle a dù me trouver bizarre... Elle s'en remettra, moi aussi, à l'épocjue, je l'avais trouvée bizarre... et puis je m'en suis remis.

JACQUES                             - Oui, enfin je vois que tout ca est reste très vivant, c'est bon signe... On va bouffer, on a quand mème encore faim, non ? Et puis on va un peu... alléger, moi je crois qu'ii faut dédramatiser, non, tu ne crois pas, Georges?

GEORGES                            - Je fais ce que je peux, tu sa? s... Tei que tu me vois, je dédramatise déjà beaucoup, ce n'est peut-ètre pas très spectaculaire, mais euh... Je prends énormément sur moi...

Un temps.

JACQUES                             - Tiens, je vais prendre deux ou trois bières, ca fera le type qui s'était absenté pour aller chercher à boire...

GEORGES                            - Moi, je vais fumer une autre petite cigarette, et j'arrive dans deux minutes, fa fera le type qui s'est convaincu tout seul.

Une jeunefemme arrive avec deux botiteiHes qu 'elle ne saitpas où poser,

CHARLOTTE                       - Tu te caches ?

GEORGES                            - Non... J'ai eu une sorte de bouffée de chaleur, il fallait à tout prix que je respire...

CHARLOTTE                       - Et ca va mieux ?

GEORGES                            - Ca revient doucement.

CHARLOTTE                       -  On n'a méme pas eu le temps de se dire bonjour, qu'est-ce qui s'est passe ? ... (Eliepose les bouteillesoù ellepeut.) Je ne m'attendais pas du tout à te voir ici... Jacques ne nous avait pas dit que tu serais là...

GEORGES                            - II a dù me compter avec les meubles, j'habite ici, en ce moment... Je couche dans le salon, il me dépanne pour quelque temps...

CHARLOTTE                 -  C'estgentildesapart...

GEORGES                            - Ou? ... oui... (Il sort une cigarette, et tend lepaquet.) Tu en veux une ?

CHARLOTTE                       - Non, merci, i'essaie d'arrèter...(Un temps.) Tu écris toujours, d'après ce que j'ai vu ? ...

GEORGES                            - Ce que tu as vu ? ... Quand ?

CHARLOTTE                       - J'ai lu une nouvelle, une fois...

GEORGES                            - Ah oui... Alors j'écris toujours, dans ce cas-là... Et toi ?  Ca marche bien ?

CHARLOTTE                       - Oui, c.a va... (e travaille trop, mais cava...

GEORGES                                        - A h oui, ca c'est terrible, de travailler trop, moi je travaille très peu, justement, à cause de ca... (Un temps.) Et euh... Vous arrivez en retard à tous vos rendez-vous ?  Ou seuiement à ceux qui ne sont pas importante ?...

CHARLOTTE                       - Pourquoi tu dis ca ?

GEORGES                            - Je me demandais...

CHARLOTTE                       - Cela n'a rien à voir avec l'im-portance du rendez-vous, ca ne m'amuse jama? s,d'étreenretard... Maisonétaitcoin-cés, capeut arr? ver... On s'est excusés, jene sais pas quoi dire d'autre...

GEORGES                            - Non, non, c'est moi qui suis ran-cunier, j'ai beaucoup de mal, avec les gens en retard, ca me détruit l'humeur, et je mets du temps à me reconstituer... Tu sais, il y a certa? nes choses, cornine ca, qui te rendent plus sensible que d'autres...

CHARLOTTE                       - Et toi, c'est le retard, oui, oui, je comprends très bien... Je suis désolée.

Elle pense que tout est d? t, et s'apprète à sortir.

GEORGES                            - Je suis content de te revoir... (Un temps.) Tu es devenue euh... une... vraie femme...

CHARLOTTE                       - Oui... 11 fallait s'y attendre...

GEORGES                            - Et... qu'est-cequetuaspensédece que tu as lu ?

CHARLOTTE                       - C'est-à-dire ? ...

GEORGES                            - La nouvelle...

CHARLOTTE                       -  Ah...

GEORGES                                        - C'est juste pour savoir... Par curiosité.

CHARLOTTE                       - Très bien... (Elle réfiéckit.) Si je me souviens bien, c'était un peu... noir, non ? 

GEORGES                     - Extrèmement... Extrèmement noir... J'écris ce que je vois. Un temps.

CHARLOTTE                       - C'est toujours aussi facile de parler avec toi.

Une autre femme jait son appantwn. C'est Mortine àpein plus dgée que Charlotte, mais sufjisamment

MARTINE                                         - Ah ben voilà, vous vous ètes retrouvés, tous les deux... Ton mari est en train de raconter une histoire, tout le monde est plié en deux, là-bas... Au fait, bravo, Georges, tu t'es distingue, je te remercie, Jacques a été choqué par ton attitude, franchement, quelle facon de dire bonjour...

GEORGES                            - Je comptais justement aller m'ex-cuser, tantine... Je vais lui chanter une petite ballade, ou méme un poème de bienvenue, je suis sur qu'il y sera sensible.

II san.

MARTINE                             - II est fou... Il est pire qu'avant, tu sais, lui... Il ne se bonif? e pas...

CHARLOTTE                       - Ah bon ?.. Tu veux que je te donne un coup de main ?

MARTINE                             - Écoute, pour dire la vérité, je veux bien, eri genera) ce n'est pas mon genre, j'ai horreur de ca, mais là... Je suis tellement débordée, toutd'un coup, on nesavaitplus, on se faisait du souci, on finissait par se demander si vous alliez venir... Alors, évi-demment, on agrignotépour tuerle temps, tu sais, j'avais apporté un enorme paquet de pistaches, je suis folle des pistaches, je pour-raisenmangerdeskilos... Jacques, qui nous faisait une guerre terrible, « Arrètez, vous aJlez vous couper l'appétit »... Georges, que fan'amusaitpasdu tout, mais tu leconnais, Georges, iln'yapasgrand-chosequiramuse... Georges, c'est Georges... Je ne sais pas si tu te souviens, c'est quand mème un vrai Scorpion... C'est le Scorpion tout craché, Georges...

CHARLOTTE                       - Un vrai Scorpion... C'est-à-dire ?

MARTINE                             - Houuu, mais c'est le pire des signes, je viens encore de lire un enorme chapitre, là-dessus, c'est un signe épouvantable !!!... Moi je sais, par exemple, que je ne m'entends pas du tout aveclesScorpions... Tuesquoi, toi, déjàr...

CHARLOTTE                 - Malheureusement, je suis Scorpion...

MARTINE                             - Oh là là, oui, c'est vrai... Mais attention !! Attention, quel ascendant ?

CHARLOTTE                       - F,uh... Scorpion, je crois...

MARTINE                                         - Ah !! Voilà, tu m'as fait peur, ca s'an-nule !!... Le mème signe, comme ascendant, ca s'annule... Par exemple, Gémeaux-Gémeaux, ca ne fait pas quatre personnalités, tu com­prends ? ... Enf? n, je ne sais pas exactement, de toute facon, je n'y connais pas grand-chose, maiseuh... J'y crois beaucoup... Un temps.

CHARLOTTE                       - Enf? n... Il faut reconna? tre que ce n'est jamais très agréable, d'attendre... Seulement, tu sais ce que c'est, un coup de t? l, au dernier moment, qui dure, qui s'éternise, on n'arrive jamais à raccrocher... Le téié­phone, pour ca, c'est terrible, tu es sur le point de partir, et...

MARTINE                             - Ah, moi, je comprends très bien, je suis une vraie droguée du téiéphone, je ne sais pas ce que je ferais sans téiéphone, il faut dire que c'est un moyen tellement génial de communiquer...

CHARLOTTE                       - Oui, c'est indispensable, on ne peut pas dire le contraire, mais c'est enva-h? ssant, quoi...

MARTINE                             - Et ton mari, ca le rend fou, évi-demment ? ...

CHARLOTTE                       - Non, c'est lui qui téiéphone, surtout...

MARTINE                             - Bien sur ! Mais bien sur, que je suis bète, avec le métier qu'il fait, fa ne doit pas arréter, vous devez étre hyper sollicités...

CHARLOTTE                       - Voilà... Hyper... (Un temps.) £a fait dròle de se revo? r... Vous n'avez telle-ment pas changé...

MARTINE                             - Toi, tu as changé, c'est fou...

CHARLOTTE                       - Oui, Georges me disait que j'étais devenue une vraie femme...

MARTINE                             - Voilà, exactement, pour une fois que je suis d'accord avec lui... Mais fa fait combien de temps, une éternité, non ?,.. Qu'on ne s'estpas vues...

CHARLOTTE                       - Dix ans... Non '(...

MARTINE                             - Oh là là, mapauvre !!! Plus que fa, racme, tu ne te rends pas compte, c'était en... Attends voir, je vais te le dire précisé-ment... C'était... en 81 !...

CHARLOTTE                       - Dix ans, donc...

MARTINE                             - Eh oui... Alors tu imagines, c'est enorme... C'est une vie, quoi, une perite vie, on a le temps de faire un vrai bout de che-min ... C'est un cycle, moi je crois beaucoup aux cycles... Tu sais, dix ans... On dit que c'est un cycle...

CHARLOTTE                       - (essayantf? mlement departiciper) Ah bon ? ... Je croyais que c'était sept ?...

MARTINE                             - Euh... Oui, c'est sept, mais tu sais que sept et trois : dix, et que trois, c'est un cycle, il y a plusieurs cycles, de toute faf on... CHARLOTTE :                - (après un grand Mane) £a a l'air bon, ce que tu nous as fait...

MARTINE                             -  fai fait duhaddock... e me suis dit que c'était plus originai que du saumon, c'est vrai, on fait toujours du saumon... Mais le haddock, c'est très bon... C'est moins à la mode, mais c'est très goùteux...

Charlotte regarde dans le gnlle-pain qui fumé.

CHARLOTTE                       - £a ne va pas étre trop grillé, là ?

MARTINE                             - Non, il est excessivement long... Le matin, on attend toujours des heures, je le hais cet appare*}... Et to?  1

CHARLOTTE                       - Je ne le connais pas encore, mais c'est vrai qu'il a l'air unpeulent...

MARTINE                             -  Qui";...

CHARLOTTE                       - Non, je plaisantais...

MARTINE                             - Ah oui, oui, oui... Et toi, comment fa va ?

CHARLOTTE                       - Écoute, c'est diff? cile à dire en deux mots, mais disons que fa va corame je disais à Georges, je travaille... beaucoup, mais fava... Et toi ?

MARTINE                             - Oh moi c'est très embrouillé, très euh... oui, très embrouillé, enfin, on vit, quoi... Je crois que je vais devenir folle, je cherche l'ouvre-boites depuis tout à l'heure, c'est incroyable, c'est Jacques, fa, il est inca-pable de remettre un objet à sa piace...

Charlotte, a dispose le pain dans une assiette, puis :

CHARLOTTE                                  - Je les emporte là-bas, en attendant ?

MARTINE                             - Oui, oui, s'il te plait, tu es gentille, tu leur disque j'arrive, hein?... Dis-leurque j'arrive, mais qu'il y a tout à faire en meme temps, on ne peut pas aller plus vite que la musique, si tu veux bien leur dire... Et si tu peux demander à Jacques ce qu'il a fait de cet ouvre-bo? tes...

CHARLOTTE                       - Je vais essayer de me souvenir de tout ca...

A ce moment, un téléphone sonne dans la cuisine.

MARTINE                             - Ou? ?. .. Nequittezpas... Charlotte!... Merde ! (Charlotte apparati.) Charlotte, tu peux demander à mon frère de prendre dans le salon ?... C'est pour lui, des gens très impolis...

CHARLOTTE                       - D'accord.

MARTINE                             - Merci, merci, Charlotte, c'est hyper sympa... (Puispour elle.) l?  hut que jemechange, moi, j'ai Tair d'une femme de ménage, comme ca... Etpuiscalme-toi,calme,reprends-toi, ma petite Martine...

Sonfrère amve. C'est Fred.

FRED                                     - Comment peuton s'habituer à ce couloir qui n'en f? nit pas, c'est épuisant, il y a vraiment de quoi gifler I'architecte... C'est qui?

MARTINE                             - Si tu crpis que je le sais...

Fredprend le téléphone.

FRED                                     - Oui, allò... Ah, tiens, bonjour, comment vous avez eu mon... Mais bien sur, je n'ai pasoublié... Évidemment, dette d'honneur, absolument, je partage complètement cette facon de... Justement je comptais passer ce soir... Nous sommes bien d'accord, à tout à l'heure... (Il raccroche.) Iis font chier, ils ne me làchent pas, ca fait deux fois, aujourd'hui, une fois chez moi, une fois ici, c'est oppres-sant, le climat devient très lourd.

MARTINE                             - Qui « ils » ?

FRED                                     - Ca ne te dira? t rien...Bon, Martine, malheureusement, l'heure n'est pas aux explications, c'est très simple...

MARTINE                             - II te faut de l'argent...

FRED                                     - Je ne te le fais pas dire : il me faut au moins cinq mille francs dans les minutes qui viennent, avec cinq mille, je les endors... Je les assoupis, disons... (Un temps.) Eh oui... Je me suis mis dans une sorte de merdier, si tu veux.

MARTINE                             - Je ne vois pas ce qu'il y ade changé. Tu seras toujours dans une sorte de merdier.

FRED                                     - Ne sois pas si definitive, Martine, tu passes ton ternps à dire «toujours» ou «jamais», c'est tout ce que tu sais dire... On nepeutpasparler avec toi, tugénéralises... C'est une erreur, je te l'ai dit mille fois, c'est pénible à la fin...Ne condamne pas les gens d'avance ! On a plusieurs chances, on a vu des revirements bien plus spectaculaires... Un jour, c'est peut-ètre moi qui te preterai de l'argent, et tu seras bien contente de me trouver à ce moment-là...

MARTINE                             - Toi \? ... Tu vas me prèter de l'ar­genti... Quand \...

FRED                                     -  ... C'est une fa^on de parler... Tu veux la date exacte ? ...

MARTINE                             - En tout cas, je ne te donne pas un sou... fa, tu peux en ètre sur.

FRED                                     - C'est un vrai bonheur, de pouvoir se reposer sur sa sceur...

MARTINE                             - Tu t'es déjà beaucoup reposé, on a été trop bons, Jacques et moi, et tu le sais... Lagentillesseades limites...

Un temps.

FRED                                     - Très sympathique, ce bonhomme, et très spirituel, il m'a fait tomber avec son his-to? re... Histoire vraie, d'après ce qu'il dit, ah, ca fait plaisir de rencontrer une pointure de ce genre, on ne perd pas son temps, quoi, on sent qu'il a l'habitude, il manie la langue, c'est un professionnel... Et il gagne à étre connu, je le vóyais moins rigolo, à la téle...

MARTINE                             - Mon pauvre ami !! Évidemment, qu'i?  est « rigolo », il est mème très rigolo, quand on le connait, on sait qu'il n'a rien à voir avec ce qu'il laisse paraTtre, surtout à la téle... L'habit ne fait pas le moine, mon vieux.

Un temps.

FRED                                     - Et toi, bien sur, tu le connais mieux que les autres ?

MARTINE                             - Tu ne crois pas si bien dire... De toute manière, ca ne te regarde pas.

FRED :                                       - (croyant comprenda queique chose) Ah bon-bon-bon-bon-bon... Aah, jevois... Il y a anguille sous roche, corrane on dit... (Un petti tewps.) Et... fa date de quand, cette petite histoire '(

MARTINE                             - Laisse-moi tranquille !! Je te dis que fa ne te regarde pas !... De toute facon, ce n'est certainement pas avec toi que j'en parlerai,

FRED                                     - Eh bien, voilà queique chose de pas très moral, par exemple...

MARTINE                             - Tu ne sais rien, et tu dis n'importe quoi, ne commence pas à m'énerver, Fred...

Un temps.

FRED                                     - Et il y aura? t moyen de lui taper cinq mille, toi qui le connais bien...

MARTINE                                         - Ne sois pas ridicule, Fred, et lave-moi quelques verres, s'il te pla? t, je suis complè-tement dépassée, et en plus, il faut que je me change... Tout le monde s'en fout, de cette soirée... À part Jacques, qui est anxieux, mais qui ne fait rien... 11 est simplement anxieux. Elle, s'en va.

FRED                                     - Et pourquoi tu te changerais ? 

MARTINE                             - Parce que je me suis tachée...

FRED                                     - Où ca, tachée \

MARTINE                             -  Là... Enfm, enbas, partout, là... Elle part rapidement. Téléphone.

FRED                                     - Oui... Ah ! Alors, qu'est-ce que tu attends j'ai l'air de quoi, moi ? ... Évidem­ment, qu'ils sont arrivés, ? ls n'avaient qu'une heure et demie de retard, eux... C^a fait trois fois que tu m'appelles pour me dire que tu arrives, alors arrive carrément, mainte-nant... Eh !... Tu as du liquide ?... Tu peux en tirer ?... Bon, ce n'est pas grave, à tout de suite...

// raccroche au moment où Jacques arrive. l?  est anxieux, camme prévu.

JACQUES                      - Qu'est-ce que tu fous ?  Où est Marfine ?

FRED                                     - Ellesechange... Elles'est tachée.,. Dis donc, Jacques, je suis complètement cerne...

JACQUES                             - Elle ne s'emmerdepas, tout le monde attend, c'est moche, c'est vraiment moche... En plus il a faim, fa fait au moins deux réflexions qu'il fait, sur la bouffe... Bon, il est très dròle, il est bien élevé, mais il se fait comprendre... Uà faim, quoi... C'est norma!, moi aussi, j'ai faim, à cette heure-là... Et Georges, qui piante l'ambiance, il fait chier, lui aussi, on peut se casser le cui à taire plaisir auxgens... EtMarylin, c'estpareil, elle est où, ta... f? ancée ?...

FRED                                     - Elle vient d'appeler, elle arrive... Dis donc, Jacques, je me sens acculé, tu n'aurais pas un peu de liquide sur toi, non ?

Georges entre avec un air abattu.

GEORGES                                        - Donc, si j'ai bien compris, vous me laisseztoutseul, enplan, là-bas, aveceux?... Je ne sais pas quoi leur dire, moi, ca fait une heure que je me concentre pour essayer de trouver quelque chose à raconter... Je suis parti avec beaucoup de bonne volonté, je me suis mème souvenu de deux ou trois petites choses qui nous avaient « tellement » fait rire à l'époque, mais à part ca, rien... Je veux bien meubler, de toute facon, on passe savie à meubler, ca ne me dérange pas... Mais pour dire quoi, c'est un étranger, pour moi, je ne comprends mème pas ce qu'il dit... £a commencait à ètre pénible pour tout le monde, ces longs silences laborieux...

FRED                                     - Georges ! Une urgence... Est-ce que tu as du liquide, sur toi ?

GEORGES                            - Non, pas du tout, très peu... Rien.

FRED                                     - (pour lui) Je suis en très mauvaise posture, ca commence à sentir le caramel, cornine on dit...

GEORGES                            - Pourquoi ? ... Qu'est-ce qui se passe ?

FRED                                     - j'ai joué sur parole...

GEORGES                            - Ah bon...

FRED                                     - Je n'avais pas d'argent sur moi, et j'ai perdu... Ils l'ont très mal pris, et c'est normal, c'est quelque chose qui ne se fait pas... Tu comprends, on joue l'argent qu'on a sur soi...

GEORGES                            - Oui, je sais, et alors ?...

FRED                                     - Ils ont dit ce so? r... Dernier délai, évidemment, et autant te dire qu'ils ont un minuscule sens de l'humour, dans ces cas-là...

JACQUES                             - Ne t'en fais pas, Georges, ne prends pas trop à cceur, tout ca, c'est pour me demander de l'argent.

FRED                                     - Écoute, je me suis fait arnaquer par des gens qui ont l'habitude de ca, et qui ne plai-santent pas, c'est un fait !!

JACQUES                             - Des comme toi, mais dangereux...

FRED                                     -  Prète-moidupognon,merde... Jesuis presse, j'ai le couteau sous la gorge, tu le vois bien, je suis obligé de te demander un peu d'argent, et tu es à deux doigts de me faire la morale !...

JACQUES                             - (époustouflé) Je n'ai rien dit... Georges, est-ce que j'ai dit quelque chose ? ... Qa, c'est extraordinaire, fa fait des lustres qu'il me raconte des histoires de poker dont je me fous éperdument, avec toujours des arna-queurs, et des arnaqués, je ne sais pas si fa t'intéresse, toi, oui ? ... f? on, tant mieux, et toutes ces histoires ne sont qu'un prétexte à demander de l'argent, «. Je suis obligé de te demander de l'argent », il ne dit mème plus «emprunter», il sait très bien qu'il ne rem-bourse pas... Tu me dois soixante-dix mille francs, Fred, sept briques, je ne sais pas QUAND tu me les rendras, et tu me racontes toujours des histoires à dormir debout, qui se terminent irrémédiablement par : « Je vais étre obligé, et caetera », et tu voudrais que je fasse l'étonné, que j'attende la chute, alors que je la connais par coeur, la chute, je ne te fais pas la morale, Fred, je ne veux pas que tu changes de vie, je veux que tu changes de banque. Je ne suis plus ta banque. Et donc, tasceur non plus... Cen'est pas de la morale. C'est un décret.

Un tetnps assez long,

FRED :                                                - (à Georges) II se fait monter la tète par ma soeur... Alors qu'il a un très bon fond. (Tetnps.) Toi, Georges, je t'ai déjà demandé, tu es raide, tu n'as rien, on est bien d'accord ?

GEORGES                            - On est bien d'accord...

FRED                                     - Bon... Je suis au fond du trou.

Un grand tetnps.

GEORGES                            - Elle est vraie, cette histoire ? ...

FRED                                     - Bien sur que oui...

Silence. Regards. Jacques fouille dans sa poche, et im donne

et qu'il a.

JACQUES                             - Regarde-moi bien, Ered : c'est la dernière fois.

FRED                                     - Merci... C'est tout ce que tu as, de toute fac/on?... Non, non mais cava, c'est déjà très genti!... <^a va les calmer un rnoment...

GEORGES                     - Je ne voudrais pas me mè? er, Jacques, mais j'ai Timpression que fasent le brù? é...

JACQUES                             - Ah bon >... (Il renif? e.) Non, c'est l'odeur normale, fa... (À Fred 🙂 Tu sens quelque chose, toi ? 

FRED                                     - Je n'ai pas de nez, moi... Pas au sens propre, bien entendu, comme tu peux voir, j'ai un nez, mais... j'ai un odorat a peu près nul...

Il va voirvers lefour.

JACQUES                             - Est-ce que j'éteins, je ne sais pas, moi... Je pourrais éte? ndre, mais est-ce qu'il faut éteindre,là, vouscroyez, vous 'i...

GEORGES                            - C’a dépend... Si c'est un plat qui se mange brulé il faut laisser, encore un peu...

FRED                                     - Moi, je ne sens rien, moi... (Il renijle.) Ah quoique si !!...

JACQUES                                         - Elle est où, Martine ? ... Elle est où ?... Qu'est-ce qu'on fait ?...

GEORGES                            - Regarde !!...

JACQUES                                         - (paniqué) Quoi, « regarde » '(...

GEORGES                            - Regarde dans le four, tu verras bien... Jacques regarde,

JACQUES                      - C'est tout noir... Tu veux pas appeler Martine, Fred ''.

FRED                                     - Non, non, il faut que j'y aille, moi, ils m'attendent... Bon, jereviens tout de suite, je fais l'aller-retour, vous m'attendez pour commencer ?

JACQUES                             - Ah non !!! On n'attend plus, mon vieux... Tant pis pour les retardataires... Noir.

Acte II

le repas est termine, Manine et Jacques s'affairent dans la cuisine.

MARTINE                             - Ils ont à peine touché la buche...

JACQUES                             - £a se passe bien, on dirait...

MARTINE                             - On aurait peut-ètre dù la laisser là-bas... Seulement, cafond àune allure...

JACQUES                             - Hein, ca prend bien ? 

MARTINE                             - Quoi, qu'est-ce qui prend bien ?

JACQUES                             - Rien, la soirée, je trouvais qu'elle prenait bien. (Un temps.) £a fait combien de temps que tu n'avais pas mis cette robe ? 

MARTINE                             - Elle ne me va pas ? 

JACQUES                             - Si, si, justement... ]e me demandais pourquoi tu ne la mettais pas plus souvent... Elle est magnif? que.

MARTINE                             - Tu as vu que personne n'a touché àia buche...

JACQUES                                         - Vous vous ètes bourrés de pistaches...

MARTINE                             - Une buche pareille, que j'ai faitfaire... C'était pourtant une bonne idèe, une buche glacée, en juin...

JACQUES                             - Écoute Tinou, ce n'est pas dramatique, casegarde...

MARTINE                             - C'est toujours la mème chose, il y a trop d'entrées, on a Ics yeux plus gros que le ventre, alors évidemment, on achète, «aprèsced, jevais faire cela», et ca se termine commeca,quoi,onn'aplusfaim... Ilyavait beaucoup trop de petites entrées...

JACQUES                             - Et puis vous vous ètes bourrés de pistaches avant de d? ner, je vous ai prévenus mille fois... Je te l'ai dit, et je l'ai dita Georges au début de la soirée... Martine :     - (explosant) Ah non, pas Georges !]e t'en prie, ne me parie plus de Georges, je ne peux plus le supporter, il m'exaspère, je lui trouve tous les défauts !!.' Toujours des réflexions, rien n'est jamais assez bien, personne n'est jamais assez bonnète pour lui, j'en ai par­dessus la téte, de ses airs de supériorité!... Et puis, je commence vraiment à en avoir marre, de cette cohabitation... De toute manière, il faudra bien qu'il s'en aille, un jour, il ne vit pas déf? nitivement chez nous ? Rassure-moi7 c'est bien un dépannage ?... Bon, eh bien, qu'il s'en ail? e...

JACQUES                             - Tu veux que je le jette dehors ? 

MARTINE                                         - 11 pourrait avoir le tact de partir lui-mème... Au fait, Jacques,est-cequ'onpour­rait decider une bonne fois pour toutes que  l'ouvre-bo? tes est là ? ... Tu ne le remets jamais en piace... C'est là.

JACQUES                                         - D'accord, c'est là !!... Je te trouve bien remontée...

MARTINE                             - Écoute, c'était provisoire ? ... Provi­soire, caveut bien dire ce que caveut dire ?... Lui qui est si à cheval sur les mots...

JACQUES                             - II sait très bien, que c'est provisoire, il le sait, il se trouve qu'en ce moment, il passe une période diff? cile, il n'aime pas cette situation non plus, ne sois pas mesquine, je t'en prie... Je te trouve bien remontée, qu'est-ce qui t'arrive ? (Manine reste muette.) Qu'est-ce qui t'arrive ?

MARTINE                             - Quelle aigreur, quelle inaptitude totale au bonheur !!!... Il ne dit pas un mot de la soirée, et puis tout à coup, il lui sauté dessus, comme un malade mental, c'est tou­jours le méme cirque... Mais seulement, cette fois, il a trouvé quelqu'un en face de lui... Enf? n, heureusementqu'i? avaitaffaire à un gentleman, je ne sais pas si tu as remar-qué de quelle facon il a pris les choses, une classe, une tranquillité... C'est un autre monde... Lui a réussi, ó combien réussi, et il n'en fait pas une histoire...

JACQUES                             - Georges est dans une situation delicate, en ce moment...

MARTINE                             - Oui, eh bien on est tous dans une situation delicate...

Un temps.

JACQUES                             - Tu es dans une situation delicate, toi?

MARTINE                             - Tout le monde... En generai... La vie est une situation delicate... (Un temps.) Mon frère t'a demandé de l'argent ?

JACQUES                             - Otti.

MARTINE                             - Je ne lui ai pas prète un sou, je te préviens...

JACQUES                             - Moi non plus... (Un petti temps.) Mais... On a de la tisane, non ? On n'a pas de tisane, ici ?

MARTINE                             - De la tisane 1...

JACQUES                             - Oui... Marylin en veut une...

MARTINE                             - Marylin ??!.., De la tisane ?...

JACQUES                             - Oui, Marylin, de la tisane, il n'y a rien d'extraordinaire...

MARTINE                             - Non, il n'y a pas de tisane... On a un seau d'eau froide, si elle veut... Line tisane, quelle excitée, celle-là, elle a passe le repas à se trémousser, mon frère a un goùt pour les pouf? asses qui me laisse pantoise... Ti a bientót quarante ans, et il les coilectionne encore, il ne change pas, lui, il ne change pas... Qu'est-ce que je bois, moi, je n'arrète pas, je suis desséchée...

JACQUES                             - Enf? n, à part ca, la soirée a bien pris, j'ai l'impression...

MARTINE                             - Je vais apporter ca, moi... (Elle s'en va, puis à la porte.) Et je suppose que tu trouves cette Marylin époustouf? ante, toi ?

JACQUES                      - Comme tout le monde, oui... le serais hypocrite si je te disais le contra? re, elle est très...

MARTINE                             - Oui, oui, ca va, je t'en prie, j'a?  compr? s...

Elk sort. Après un temps, Georges arrive.

GEORGES                            - Tu as quelque chose de fort, genre eau-de-vie, on commence à s'emmerder ferme, là-bas, s?  je ne me pète pas la gueule suffisamment tòt, ca va ètre très long... Ils en sont à rimmobilier,.. Pourquoi investir dans la p? erre, combien gagne-t-on en cinq ans, les réducùons d'impot, qu'est-ce que e. a peut me foutre, moi je n'ai pas d'apparte-ment.,. j'ai a peine un Ut, et je ne peux mèmepasl'ouvrir... JACQUES : - (camme Georges cherche toujours) Là... là, non, en bas, compiè te ment en bas...

GEORGES                            - Ah oui, voilà... ]'ai croisé Martine, j'ai l'impression qu'elle m'apprécie de plus en plus... Elle me découvre...

JACQUES                             - Elle est très fàchée contre toi, et je la comprends...

GEORGES                            - Oui, j'ai cru remarquer qu'elle me faisait les gros yeux, pendant le repas... En fa? t, je crois qu'elle s'est tout simplement froissée pour lu? ...

JACQUES                             - Eh oui, mon vieux, e'est normal, il faut la eomprendre...

GEORGES                            - Oui, e'est elle qui l'a invite, elle veut qu'il soit heureux...

JACQUES                             - C'est moi qui V ai invite.

GEORGES                            - Oui, mais elle veut quand mème qu'il soit heureux... C'est la maitresse de maison...

JACQUES                             - Je vois que tu as bien saisi la situa-tion, c'est exactement fa, Georges. (Ungranà temps.) A part fa, elle est à cran, elle a eu une journée très d ure, s'occuper des enfants, plus l'organisationdurepas, enfin toutcequ'une femme fait dans une maison... Elle aurait le droit de passer une soirée détendue... Un temps.

GEORGES                            - Oui, c'est vrai...

Un temps.

JACQUES                                         - Tiens, donne-moi un verre, je vais trinquer avec toi... Elle est très nerveuse, moi-mème, j'ai du mal à la saisir ce soir... Elle en a après tout le monde, toi, son frère, la femme de son frère... (Un temps.) Entre parenthèses, quel morceau, cette Marylin, tu ne trouves pas qu'elle est extrèmement bien fai te ? ... Elle est extrèmement bien faite, elle a un enorme capitai...

GEORGES                            - Oui, d'ailleurs, on dirait qu'elle l'a bien compris, elleinvestit absolument tout là-dessus.

JACQUES                             - A sa piace, j'investirais aussi, quel cui...

GEORGES                            - Un beau cui ca dure quoi ? Quelque temps... Elle va se sentir obligée de le refaire, ca va lui coùter de l'argent, et au bout du compte, il lui resterà une bonne quarantine d'années pour réf? échir... Un investissement d'imbécile.

JACQUES                                         - (ilsùupire) (^am'aurait étonné...

Fred apparati.

FRED                                     - Ramenez-vous, les gars, il est en train de les partouzer toutes les trois !!!

JACQUES                             - Comment, partouzer t...

FRED                                     - Non, non... C'est des conner? es, évi-demment, mais enfin il est très en verve, corame on dit, c'est de la haute voltige... D'ailleurs, c'est simple : les femmes sont complètement sous le charme.

GEORGES                            - Les hommes, aussi...

FRED                                     - À part Charlotte, qui a l'air d'avoir l'ha-bitude... Le quotidien, ca use énormément, j'ai l'impression... Aiors, elle, c'est plutòt des hochements de téte du style « Ah ! oui, je la connais aussi, celle-là... », mais très comprchensive, très sympa, j'accroche aussi pas mal avec elle... C'est quand mème quelqu' un qui a des responsabihtés dans un canard qui se vend à des milliers d'exem- plaires...

GEORGES                            - C'est ? ncroyable, ce que tu nous racontes, là...

JACQUES                                         - Et donc les femmes, sous le charme?...

FRED                                     - Voilà. Surtout la tienne et la mienne.

JACQUES                             - Dis donc, ta femme, si je peux me permettre, euh... Quel euh... Quel mor­ceau !... Elle a l'air gentil, elle fait quoi !

FRED                                     - C'est une pute...

GEORGES                            - Ah, très bien, c'est exactement ce que jepensais...

JACQUES                                         - Quoi... Professionnelle ?

FRED                                     - Non, normale, benèvole... Je l'ai trou-véeen beate,.. Ons'est tout de suite più, et on ne se quitte plus depuis quatre jours... Sauf quand je joue, bien entendu... et comrae, malheureusement, j'ai beaucoup joué...

GEORGES                            - Donc, rien de défmitif, encore ? ...

FRED                             - Non, fa démarre doucement... On s'observe. (Un temps.) C'est quoi, ea ?...

JACQUES                             - De la poire.., C'est pour Georges, mais je l'accompagne...

FRED                                     - Eh bien je vais t'accompagner, moi, pendant que tu l'accompagnes... (Un temps. Iis hoivetit.) J'ai trouvé la bouffe trop salée, personnellement... La cucinière est amou-reuse, comme on dit... Non ? ... (Puis, après un temps, à Georges 😉 Dis donc, t'es pas gai, toi, ce soir, hein ?

JACQUES                             - Tu le connais, Georges... C'est le contraire d'un gai...

FRED                                     - Ou? , bien sur, mais disons que ce soir, je le trouve carrément éteint, si tu veux...

GEORGES                            - Mais qu'est-ce que vous avez avec ca?... Pourquoi voulez-vous à tout prixque je sois « gai » ? ... Je me demande pourquoi vous attachez tant d'importance à ces choses-là... il est toujours question d'étre «gai», ou souriant, ou «enpleine forme», c'est une obsession !!... Je n'ai pas appris de bonne nouvelle, je n'ai pas gagné au Loto, je n'ai rien à vendre à personne, je n'ai aucune raison d'étre particulièrement «gai»... Je suis un ètre humain, pas un animateur !!... Il n'y a qu'à la télév? sion qu'on voit des gens éclater de rire à longueur de temps, comme des crétins...

JACQUES                             - Est-ce que quelqu'un te demande d'éclater de rire comme un cretini On te demande de ne pas giacer l'atmosphère, c'est quand raéme moins contraignant !...

FRED                             - C'est vrai que tu as jeté un gros froid, pendant le repas... Je n'ai pas réussi à comprendre pourquoi, d'ailleurs... Et, j'ai le regret de te dire que j'ai trouvé sa réaction imperiale, beaucoup de sang-froid, beaucoup d'humour... (À Jacques 🙂 Hein, il connaissait bien le sujet, il aurait pu large-ment l'enfoncer...

JACQUES                             - Bien sur, bien sur, et il ne l'a pas fait !... Mais lui, c'est particulier, il observe de vieilles coutumes ringardes qui consistent à ne pas foutre la merde dans une soirée. FRED : - (à Georges) II aurait pu t'enfoncer...

JACQUES                             - En plus, soixante-quinze pour cent des gens sont d'accord avec lui...

GEORGES                            - Et alors, quel rapport ? 

JACQUES                             - Ben, c'est la majorité, mon vieux...

GEORGES                                        - La majorité ?  Laquelle d'abord 1 Celle qui pensait que la terre était piate, ou celle qui se met une piume dans le cui parce que c'est la mode ? Un temps.

FRED                                                  - Qu'est-ce qui te déplait, chez ce type, qui est archi-rigolo, qui est ple? n de blé, célèbre, et qui n'en faitpas une montagne ?

GEORGES                                        - J'ai l'impression que tu l'aimes bien, toi...

JACQUES                             - Et aiors ? ... Je ne vois pas de honte, là-dedans...

GEORGES                            - C'est une question de goùt... Jene vois pas de honte non plus:

FRED                                     - Mais qu'est-ce qui te dépla? t ? 

GEORGES                            - Quasiment tout.

FRED                                     - Ah, quand mèrae !...

GEORGES                            - Jen'ai rienà lui dire... Onn'estpas du méme monde... C'est un visage pale.

FRED                                     - Mais, vous étiez très amis, tous les trois, à l'époque ?...

GEORGES                            - Pas du tout.

JACQUES                             - Évidemment, évidemment qu'on était amis, on était quasiment cui et chemise, il v adix ans...

FRED                                     - C'est assez difficile de se faire une idèe, entre vousdeux...

GEORGES                            - II embell? t... Il embellit pour la circonstance, je n'ai pas le souvenir d'une si remarquable amitié... Quand on a arrété de se voir, personne n'a pleure, que je sache, tout le monde a trouvé ca naturel...

JACQUES                             - Alors Iaisse-moi te rappeler, puisque tu as des dirficultés de mémoire, qu'on ne l'a plus vu par solidarité avec toi, tu t'en sou-viendras certainement, si tu fais un effort... Tu étais mal à l'aise, jaloux, Charlotte s'était mise avec lui, et pas avec toi, ca t'avait blessé, et, par solidarité, on s'est perdus de vue... Parce que TU ne voulais plus la voir... Jene regrette pas, la question n'est pas là, mais c'est la vérité.

FRED                                     - Ah ! C'est une histoire bète comme ca?

JACQUES                             - Mais oui, quand on est jeune, on a l'esprit de clan, on prend fait et cause... Mais, avec du recul, c'est f? nalement beaucoup de romantisme, heaucoup d'orgueil, pour pas grand-chose.

FRED                                     - Dròle de couple, d'ailleurs, on s'atten-drait à le voir avec Miss Monde, et puis pas du tout, une fili e intelligente, hein X

Georges :                              - (à Jacques) Maintenant que tu as suff? samment de recul, vous allez pouvoir vous revoir régulièrement, cette belle histoire va repartir sur desbasessaines, je suppose...

JACQUES                             - Oui, pourquoi, je crois que c'est pos-sible, maintenant...

GEORGES                            - Mmmmm !... Vo? là quelques jolies soirées en perspective...

JACQUES                             - Tu ne seras pas obligé d'y venir...

GEORGES                            - }e m'abstiendrai, effectivement.,. Hélas, tant que je couche dans ton salon, je peux difficilement faire autrement.

JACQUES                             - C'est provisoire, tu vas bien finir par trouver un apparternent...

GEORGES                            - Oui... Réflexion fai te, il faut que je me mette sérieusement à chercher...

FRED                                     - Je vois que I'ambiance est bonne, ici aussi, mais je vais pascer au salon, pour alter-ner un peu... (Temps.) Dis donc, Jacques, il nra propose deux fois de suite de faire un petit poker, il n 'y a aucune raison de ne pas lui faire plaisir, on va en faire un petit, hein ? Tu asentendu, c'estlui, qui a propose...

JACQUES                             - Fred !... Je tepréviens arnicalement : un petit poker, avec des allumettes, nous sommes bien d'accord?... Unjeudesodété.,. Pas une embuscade...

FRED                                     - £a va de soi... on n'est pas des sauvages...

 Cuisine

Il sort. Jacques reste un instarti face, à Georges, dans le si? ence. Jacques ; Je ne te comprends pas, Georges. Il sort àson tour. Georges repart sur la ferrasse. Un momentplus tard, Charlotte entre prudemrnent, ne voitpersonne, et va d?  ree-tement vers le téléphone. Elle compose un numero.

CHARLOTTE                       - C'est moi... Je n'ai pas pu t'ap-peler avant, je ne suis pas chez moi, je suis dans une soirée... Des anciens amis... Bof, comme pi... C'était très sale, elle amis une tonne de sei, dans sa bouffe, tout le monde cherche une carafe d'eau.., À peine au café, cas'éternise... Je ne saispas, au moins dans une heure... Non, non, ne m'attends pas avant... Ecoute, là je vais ètre obligée de raccrocher... Vo? là, peut-ètre à tout a l'heure, bonsoir... (Elle raccroche, juste au moment où Georges apparati et la surprend.) Ah !... Tu m'as fait peur, tu étais là > Tu étais où ? 

GEORGES                                        - Là... Sur la terrasse. Je respirais un peu d'air frais.

CHARLOTTE                       - Tout le monde cherche une carafe d'eau, là-bas, on est déshydratés... C'était bon, mais très sale...

GEORGES                            - Oui, on sent qu'il vient de la mer, cepoisson... Un temps.

CHARLOTTE                       - Tu as entendu mon coup de f? l ? 

GEORGES                            - Ton coup de f? l, c'est-à-dire ? ...

CHARLOTTE                       - Tu sais bien, j'ai téléphone, là, a l'instant, c'est un coup de f? l, ca... Tu m'as entendue ? 

GEORGES                            - Très bien... Très bien entendue... ]e ne pouvais pas faire autrement, je suis désolé... Evidemment, tu peux compter sur moi, euh... ]e resterai très discret, comme on dit danscescas-là...

CHARLOTTE                       - Justement !... Justement, tu peux en faire ce que tu veux, il n'y a rien de secret, c'est ca que je voulais te dire...

GEORGES                            - Ah d'accord...

CHARLOTTE                       - }e ne me cache de personne.,.

GEORGES                            - D'accord...

CHARLOTTE                       - ]e ne vouJais pas qu'il y ait un malentendu... Un temps.

GEORGES                            - Donc, ton mari est au courant...

CHARLOTTE                       - Voilà.

GEORGES                            - Une sorte de couple fibre, quoi ? 

CHARLOTTE                       - Voilà... Si tu veux.

GEORGES                            - Mais vous habitez ensemble...

CHARLOTTE                       - Exacternent, tu veux savoir autre chose ?

GEORGES                            - Euh... Qui, est-ce que tu conna? -trais, toi qui as des reJations, un deuxpièces confortale, très silencieux, avec un loyer dérisoire ?... Parce qu'ici, on arri ve à une sorte de saturation... Temps.

CHARLOTTE                       - Mais tu vis comment, si ce n'est pas indiscret ?

GEORGES                            - Je travaille à mi-temps.,. Dans une agence de voyages..,

CHARLOTTE                       - Ah... (Temps.) C'est intéressant ?

GEORGES                            - C'est une mine.

CHARLOTTE                       - Enf? n, vous avez d'énormes réductions sur les vols, c'est toujours ca...

GEORGES                            - J'aipeur, en avion...

CHARLOTTE                                  - Ah c'est dommage... C'est pas de chance... Un temps.

GEORGES                            - Tu aimes les jeux de cartes ?  

CHARLOTTE                       - Euh... £adépend, oui... Four- quoi ?

GEORGES                            - Je crois qu'ils vont commencer un poker... Tu sais, ton mari en a propose un, toutàl'heure...

CHARLOTTE                       - Oui, il adore fa... Il est fascine parlejeu...

GEORGES                            - Avec Fred, on peut dire qu'il est bien tombe.

CHARLOTTE                       - Et toi... Tu n'aimes pas fa.

GEORGES                            - J'aime regarder une belle partie quand elle se presente,..

CHARLOTTE                       - Oui, voilà, moi aussi... Quand je suis vraiment obligée... Un temps.

GEORGES                            - Alors, qu'est-ce que tu penses de ton amie Martine, après dix ans !...

CHARLOTTE                       - Mon amie Martine... Elle a beaucoup changé, on dirait... Elle s'est aff? rmée, je l'ai connue plus timide, plus empruntée...

GEORGES                            - Oui, elle s'est épanouie dans le mariage... Son foyer, ses enfants, tu sais... L'épanouissement classiquc...

CHARLOTTE                       - C'est toujours mieux que pasd'épanouissement du tout...

GEORGES                            - C'est ce qu'elle a dù penser... et toi ?... Des enfants, tu n'en veux pas ? 

CHARLOTTE                       - Si... Si, mais j'ai le temps... Je suis à un stade de mon travaii où je ne peuxpas me permettre d'arrèter.

GEORGES                            - Ton fameux journal ? ...

CHARLOTTE                       - Fourquoi « fameux » ? 

GEORGES                            - 1-red, tu sais, le frère de Martine, qui est littéralement enchanté d'avoir fait votre connaissance, nous faisait des

CUISINF. ET DÉPENDANCES I 47complimenti sur toi, et ton journal... Entre autres...

CHARLOTTE                       -  Cen'estpas mon journal... Cest celui de mon mari...

GEORGES                            - Ah bon ! Ah .'D'accord... CestSONjournal ?...

CHARLOTTE                       -  Ben oui...

GEORGES                     - Ah ! Je comprends beaucoup mieux... Justement, jenevoyaispasdu tout ce qui pouvait te retenir...

CHARLOTTE                       - Et alors ?... Qu'est-ce qui me retient ?

GEORGES                            - Vous avez tout simplement des intérèts en commun...

CHARLOTTE                       - Oui... Comme souvent dans un couple et tu peux te dispenser de ce genre de sous-entendus, je t'ai déjà dit que la situa-tion était très claire entre lui et moi !... Quant à mon travaii, je le fais bien, et mon emp? oyeur est satisfai!... Cest simple, non \

GEORGES                            - Oui, c'est un choix... C'est un choix comme un autre, chacun ses goùts... Per-sonnellement, je trouve qu'il manque une petite pointe d'amour.

CHARLOTTE                       - Ah oui ?... Une petite pointe d'amour, tu crois ?... Tu peux m'expliquer mieux, plus en détail ? ,.. Toi qui ne manques de rien, tu devrais me donner des conseils, j'aurais peut-ètre une bonne note, la pro-chaine fois... Ce n'est pas fatigant, d'ètre toujours mieux que les autres ? Quand je t'ai connu, il y a dix ans, c'était exactement la mème chose, tu étais tout seul, sur ton petit rocher, avec la vérité suprème sous le bras, rigide, intraitable... Et dix ans plus tard, je te retrouve à la mème piace, et le monde est toujours aussi làche et corrompu, si j'ai bien compris ? ... Tu ne trouves pas qu'on a déjà entendu cet air-là}.

GEORGES                            - Cest le seul que jeconnaisse... (Un temps. Il se lève et va vers la porte.) Il y a dix ans, si tu nVavais dit oui, tu serais peut-ètre avec mo? , sur mon petit rocher... Jevaisvoir oùils en sont... li sort. Un temps a%sez lotifl, Charlotte réflédttt, seule. Puis se dirige vers le téléphone. Elle décroche et compose,

CHARLOTTE                       - Oui, c'est moi... Écoute, j'ai réfléchi, je ne peux décemment pas partir avant un bon moment, finalement c'est ridicule que tu m'attendes... Parce que, c'est pas pratique, ca ne m'arrange pas... Ben oui, fais une croix, qu'est-ce que tu veux que je te dise... Oui, oui !... J'ai changé d'avis, parce que je suis fatiguée, je ne m'en étais pasrendu compte... Bon, écoute, je ne suis pas chez moi, là, je suis en train de parler devant tout le monde, c'est très gènant... Oui, oui, bonne nuit !... (Elle mccroche, quand Martine arrive en trombe, surexcitée.) Je me suis permis de téléphoner, je voulais ètre tranquille...

MARTINE                             - Bien sur, vas-y... C'est tel? emeal agréable, quelcfu'un de poli, vas-y...

CHARLOTTE                       - Non... /'ai déjà téléphoné...

MARTINE                             - Tuasbienfait... Excuse-moi, jesuis excédée...

CHARLOTTE                       - Oui, tu as l'air...

MARTINE                             -  C'est à cause de la petite amie de raon frère, je suis estomaquée par ie sans-gène de cette f? lle, ca va me passer, excuse-

CHARLOTTE                       - Vous jouez au poker, c'est ca ?

MARTINE                             - fls jouent, ILS jouent au poker, moi, ca ne m'intéresse pas... fls ne m'ont pas demandé mon avis, mais en l'occurrence, je détestejepoker... D'ail? eurs, je ne suppone paslemensonge, d'une manière generale. Un tempi.

CHARLOTTE                       -  Tu ne veux pas que je t'aide à ranger ?

MARTINE                             - Non, non, laisse,.. La femme de ménage vient demain ■■ •         - (rà lui fera une occa-sion de travailler. Jacques surgtt, assez presse.

JACQUES                             - La petite s'est tachée, il faudrait un torcitori avec de l'eau chaude... (l?  cherche.) Mais il n'y a pas de torchon propre, dans cette maison ?

MARTINE                             - Là... (line wttpasoù.) LkV.l... Gliene peut pas venir le chercher elle-mème, son torchon ?... (Jacques ne répondpas et ressort flussi vite qu 'il est entré.) Et voilà... Non, mais est-ce q tu as observé le numero permanent de cette f? lle?...

CHARLOTTE                       - Ah oui, ca... elle n'hés? te pas une seconde... Travailleuse acharnée...

MARTINE                             - Une vraie poufiasse, oui... Écoute, Charlotte, on n'a pas idee de s'hab? ller corame fa, méme toi, à l'époque, qui étais plutòt affranchie, tu ne...

CHARLOTTE                 - J'étais affranchie, moi ? ... Comment, «affranchie» 1

MARTINE                             - Tu n'avais pas froid aux yeux, il ne falla? t pas t'en promettre quoi.., Tu faisa? s comme toutes les filles de dix-huit ans... Mais jama? s à ce point !... Cette jupe à ras-le-bonbon !...C'est bien simple, à chaque fois qu'elle se baisse, il y a un blanc dans la conversation, ce n'est pas norma? ... Elle se coiffe, se décoiffe astucieusement toutes les cinq secondes, elle parie avec une voix d'en-fant, elle rit comme une hystérique à chaque fois qu'elle comprend quelque chose... C'est écceurant, ce cinema... (Un petit temps.) En plus, je me fiche complètement de ses sima-grées, ou de la facon dont elle s'habille... S'ils n'étaient pas tous, là, hypnotisés... Fascinés... On dirait des lapins dans les phares d'une voiture... (Un temps.) Franchement, avec ton mari... Elle est quasiment obscène !!!... Je l'aurais giflée, moi, à ta piace...

CHARLOTTE                       - Si tu savais ce que je peux en voir des Marylin, mais j'en vois !... Entre troiset quinze par soirée.., C'est une vraie rou­tine... S'ilavaitfalru que/eJesgifletoutes. Tu comprends, il est assez connu, alors eiles arrivent comme des mouches... Elles font Ieur petite danse ritueile, eJJes m'écrasent un peu ies pieds au passage... (Un temps.) Etpuis... Pour te dire ia véri té... Iln'estpas teilement farouche.

MARTINE                             - (elle comprenddoucement) Ah bon ?.., Mais qu'est-ce cjue tu me dis, là ?... Tu veux direqu'iJ... Un'est pas farouche ?

CHARLOTTE                       - Non, non, je disais fa comme fa... Can'aaucuneimportance... Martine ; Ah bon... Tu m'as faitpeur...

CHARLOTTE                       - Non, non, ne t'inquiètepas. Un temps.

MARTINE                             - le résujtat, c'est que je vais finir par ne pius inviter mon frère, et puis c'est tout... Je me retrouve à chaque fois avec des cassociaux, iJ emmènen'importe qui, ici... Je n'ai rieri contre Ies cas sociaux, bien au contraire, la question n'est pas la, mais tu sais, il... Il se Jie très vite avec Ies gens, il se passionne... C'est typiquement Poissons, fa... IIs aiment tout le monde, Jes Poissons.

CHARLOTTE                       - Vous ne vous ressemblez pas du tout, je trouve, Fred et toi... Mart/NE : Oh non .'/... Pas du tout, alors... Je l'airne beaucoup, je l'airne énormément, c'est mon frère... Mais on est diametrale-ment opposés.

haR: ]e ne le connais pas, bien sur, mais je le trouve attachant...

MARTINE                                  -  Oh, il est difficile... Écoute, j'aideux enfants, un de trois, et la grande de quatre ans, tu voisce que c'est, deux enfants ? ...

CHARLOTTE                      -  Oui, jevois très bien...

MARTINE                                  - Eh bien, je me fais presque plus de souci pour Fred, que pour eux deux réunis...

CHARLOTTE                      - Ah oui, il doit ètre difficile...

MARTINE                                  - 11 faut Iti surveiller comme du la? t sur le feu. Et je ne te dis pas tout... (Martine se sert à boire.) Tu veux un verre d'eau ? Tu veux un peu de buche ?

CHARLOTTE                      - Ah oui, tiens... Je veux bien un verre d'eau, s'il tepla? t...

MARTINE                         - Pas de buche ? ...

CHARLOTTE                      - Non, merci...   - (Un temps.) Et Georges, il habite chez vous depuis long-temps ? ...

MARTINE                         - Deux mo? s... Presque deux mois... Tu sais ce que c'est, au départ, c'est pour huit jours, et puis... Je ne sais pas s'il te Fa dit, mais... Il était avec une femme très bien, depuis six ans, beaucoup de tète, exactement ce qu'il lui fallait, quelqu'un qui lui remette Ies pieds sur terre... Tout allait très bien... Enfin à ma connaissance... Et tout à coup, du jour au lendemain,iiraquittée !!... Mais vraiment du jour au lendemain '.!!... Mon-sieur a eu une illumination, il a rempli une val? se, et il est parti... Il lui a tout laissé.Vacomprendrequelquecho.se, toi... Nous-onn'a toujourspascompris, eri tour cas,,,

CHARLOTTE                       - II ne vous a rien expliqué ?... MARTtNE : Rien. 0 est arrivé ici, et il nous a mis au pied du mur, pour ainsi dire... Jacques, qui ne saitpas dire non, a dit oui... Et tu conna? s la suite... On n'allaitpasluirefuser un toit...

CHARLOTTE                       - Vous étes ses amis, il est venu chez vous...

MARTINE                             - Bien sur, bien sur.., II a bien fait... (Un temps assez long.) Charlotte.., Est-ce que je peux te poser une question ? 

CHARLOTTE                       -  Oui...

MARTINE                             - II faut que tu me répondes très sincèremem.

CHARLOTTE                       - Oui, oui, vas-y...

MARTINE                             - Tu me le promets ? ...

CHARLOTTE                       - Oui, je te le promets, sincèrement...

MARTINE                             - Est-ce que c'était vraiment trop sale ? Noir.

Acte III

Jacques, arrive dans un certam état d'énervement. Il se seri un vene d'eau. Manine apparali sur le pus de la porte. Elle

y reste, fi$ét>.

MARTINE                             - Est-ce que tu as entendu ton ton"?

JACQUES                                         - Qu1 est-ce que tu veux que. je fasse, tu me fais des s? gnes derr? ère lui, avec ? es yeux, je les vois, tes signes, mais qu'est-ce que tu veux que je fasse \

MARTINE                             - Ne me parie pas comme ca devant les gens.

JACQUES                      - Dis-moi qu'est-ce cju'il fallait taire ? Le prendre tout d'un coup, le lever de sa chaise, et l'empécher de continuer \ Fais-? e, toi, e'est ton frère, merde à la fin, ce n'est pas lemien!...

MARTINE                             - Je ne veux pas que tu me parles de cette facon. Je te demande simplement de me respecter, surtout devant les gens...

JACQUES                      - Bon, je suis désolé, je me suisemporté, Martine, je te demande de m'qj cuserpourja, je t'aimal parie, yaarrive... Ca nedevraitpasarriver... Mais tu mepousses, tu «ras poussé à te répondre comme e.a, là, on n'est pas devant les gens, et je te demande posément : qu 'est-ce que je peux faire ? Je l'ai pris à part, il s'est leve deux fois de cette tabJe, je lui ai parie deux fois... Avarii que la partie s'envenzme, et pendant... Là, il y a une demi-heure... fi me dit de ne pas m'en faire, tuleconnais, tonfrère,ilnes'enfaitpas, et il ne veutpasqu'on s'en fasse... Àchaque fois que je lui fais signe d'arrèter, il me regarde comme si je venais de lui raconter une his-toire dróle, fa le fait rire... Ton inquiétude, mon inquiétude, fa Je rend hiJare, tu vois bien... l?  est rayonnant... Un tempi.

MARTINE                             - Us sont devenus fous, tous les deux...

JACQUES                      - Sitót qu'ils ont parie de jouer de J'argent, tu as bien vu, je leur ai dit lourde-mentmon opinion et jeme suis retiré, je Je sentais,je ne voulais pas que ca degènere... je vais mème te dire mieux : je l'avais pré-venu, avant.'... Je l'avais prévenu... Avec desallumettes, Fred... Un petitpoker... Tu parles, elle vaut cent francs, l'allumette, ài'heurequ'il est...

MARTINE                             - C'est comme s'ils s'étaient envoù-tés mutuellement... Sans parJer de cette tylarylin, qui ne décolle pas de leur table depuis deux heures, et qui jette régulière-ment de Phuile sur le feu... Évidemment... C'est tellement excitant, un combat de coqs... C'estlamentable... Jesuistrèsdéfue... Jesuis trèsdécue...

Elle pleure. Un temps.

JACQUES                             - Martine... "N'exagérons r? en... On va trouver une solution... Ils vont bien s'arrèter, il est trois heures du matin... £a ne vaut pas le coup de pleurer...

MARTINE                                         - Si, si, fa vaut le coup, c'est la tension, ca va me faire du bien... (Un temps.) J'en ai marre... Oh qu'est-ce que j'en ai marre...

JACQUES                             - De quoi?

MARTINE                             - De tout... Laisse-moi, ca va me passer... }e suis trop sur les nerfs en ce moment...

Georges entre, une valise à la main.

GEORGES                            - Bon... Parlons peu, mais parlons bien, je vous remercie tous les deux pour le service que vous m'avez rendu, j'étais embèté, vous m'avez hébergé, c'est très gentil, mais on n'est plus des enfants, ce genre de s? tuation ne peut durer éternellement, et jesensque j'aidéjàbeaucoup... pese,sur le ménage... Je pars, donc... Est-ce que je peux me servir du téléphone pendant un moment \ II faudrait que j'appelle quelques hòtels...

JACQUES                             - Tout de suite, là ? ,..

 GEORGES                            - Le plus tòt serait le rnieux... je commence à avoir somme? l.

JACQUES                             - Et tu ne peux pas dormir ici ?

GEORGES                            - Non... Jlyadeux typesqui jouent au poker, sur mon lit... De toute facon, je voulais partir demain, autant partir tout de suite...

JACQUES                             - À cette heure-là ?

GEORGES                            - La partie n'est pas finie, et j'ai sommeil, je te dis...

JACQUES                             - Bon... Tu fais ce que tu veux, vas-y, sers-toi du téléphone, je t'en prie...

GEORGES                            - Merci... Je vais poser ma valise dans un coin où ca ne dérange personne... Ah ! l'annuaire, j'ai oublié l'annuaire... // se dirige vers la sartie.

JACQUES                                         - Georges !..,  (Georges réapparait.) Ils en sont où \

GEORGES                            - C'est toujours Fred qui gagne, mais encore plus gros... A part ca, Marylin entretient eff? cacement le suspense, et Charlotte s'est endormie dans un coin... Quant à Fautre, tu sais ce que sait, il est atteint dans sa f? erté, alors il s'accroche, c'est très réjouissant...

MARTINE                             - Imhécile !!

JACQUES                             - Je t'en prie, Martine...

MARTINE                             - II est content, lui, tu ne vois pas ?

GEORGES                            - Je ne suis pas content, je suis ravi.

Jl sort.

JACQUES                             - Martine... Maintenant, il faut que tu me d? ses... Depuis le début de cette soirée, ie ne te reconnais pas, je ne comprends pas ce qui t'arrive... D'abord, tu es surexdtée comme une gamme, et maintenant, tu parais... vexée, comme blessée par quelque chose, tu me dis que tu en as marre de tout, qu'est-ce qui se passe? ..,On croirait quequelqu'un t'afait du mal...

Un temps.

MARTINE                             - Mais non... C'est moi, c'est ma vie...

JACQUES                             - Ta vie, c'est-à-dire ? 

MARTINE                             - ]'en ai marre de ma vie, il ne se passe rien, c'est tout.., On sort jamais, on ne fait rien, je ne travaille pas, je stagne... Ah, évi-demment, je suis une bonne mère de famille... C.a me fait une belle jarnbe, tout le monde s'en fout, des mères de famille, je voulais avancer, moi, j'aura? s voulu créer des choses, étre utile, je ne sais pas participer à une action humanitaire, salive* des gens... Regarde, Charlotte, elle travaille, elle ren-contre des gens, elle est en contaci avec le monde, c'est capitai... Elle est au milieu du monde...

GEORGES                            - Travaille, si tu veux...

MARTINE                             - Pfff... C'est facile à dire... Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?  C'est trop tard, maintenant... Un temps àt réf? exim.

JACQUES                             - ]e ne comprends pas très bien...


MARTINE                             - N'en parJons plus... Les choses ne sont jamais comme on voudrait qu'eiles soient, c'est connu... C'est passager... Un nouveau temps de réjhxion.

JACQUES                                         - Et ca fa pris comme ca ?... Tout d'un coup, ce soir, tu t'apercois que tu vouJais ètre au milieu du monde, et que tu n'y espas?.., Moi, je crois simplement que tu passes par un moment de dépression, non ?... Tout le monde passe par là, tu sais... D'une heure à l'autre, on est dégoùté de tout, on ne sait plus pourquoi on est là, fa arrive, c'est imprévisible, canous tombe dessus comme ca...

MARTINE                             -  Oui, on ne sait plus pourquoi on est là...

JACQUES                                         - Et je crois que c'est passager, effecti-vement,.. (Un grand temps.) Tu n'as rien d'autre à me dire ?

MARTINE                             - Non... Qu'est-ce que tu veux que je te dise d'autre ? 

JACQUES                             - C'est toi qui sais,..

MARTINE                             -  Rien... Un'ya rien d'autre, qu'est-ce que tu veux qu'il y ait... Je te le dirais... Fred entre, fiévreux.

FRED                                     - C'est l'estocade, comme on dit, je viens de lui prendre onze mille francs, en un seul coup .'... Avec deux rois... Je suis en tram del'assommer,

// sort.

MARTINE                             - Fred l... Fred f...

#parta sa suite.

JACQUES                      - ]e te préviens, Fred !...

flpartaussi. Avrès quelqttes secondes, Charlotte entre, toujours prudem-ment, et comme d'hahitude, se dirige vers le téléphone. Elle compose un numero et attend...

CHARLOTTE                 - Oui, bonjour, pardon, bons... Oui, je voudra? s un taxi pour le 13, rue... Le numero de téléphone ?  Oui, c'est le... Attendez... Attendez... C'est le... Allò? ... Salope !... Georges arnve sur ce mot.

GEORGES                            - Pardon, je m'en vais, je m'en vais, je n'ai rien entendu...

CHARLOTTE                                  - Non, non, reste, tu ne déranges pas, j'appelle un taxi... Tu te farcis une musique infecte, et pour finir, ils te raccrochent au nez, c'est très agréable cette facon de com-muniquer... C'est quoi, le numero de télé­phone, ici ?... S'il te pla? t... Georges -.45.29.04.93. Elle note.

CHARLOTTE                       - 45.29. 04.93. Merci. 04. 93 ?  Georges:93... 04.93...

CHARLOTTE                       - Merci. (Elle apertoti les amuaires dans ks bras de Georges.) Tu veux téléphoner \.,.

GEORGES                            - Non, non, vas-y, j'ai le temps, moi... Il faut que je cherche d'abord...

CHARLOTTE                       - Merci, je n'en ai pas pour long-temps... (Elle compose, il cherche.) Bonsoir, je voudraisuntax... Oui,le45.29.04.93... 93!...Oui... ((In temps.) Tu chetchesquoi, si pasindiscret ?...

GEORGES                            - Un hotel... Charlotte;Qui?... Ah,merde,« pas de volture en ce rnoment, rappelez ultérieurement», pfiff.,. (Un temps.) Tu as une volture, toi ?...

GEORGES                            - Oui... Un temps.

CHARLOTTE                       - A? ors tu cherches un hotel ?... Georges :Voilà... Unpet? thotel... /'aienvie de me coucher...

CHARLOTTE                       - Ah bon, tu pars d'ici cette nuit ?

GEORGES                            - Oui,.. Ca m'a pris d'un coup... (Un temps.) Tiens, je vais essayer celui-là.,. (Ilcompose.) Oui, HòteJ Europa ?... C'est bien l'Hotel Europa ?.., Je vous réveille, excusez-moi... Ah bon ? ... Donc, je ne vous réveille pas... Est-cequ'il vous reste des chambres ?.., Oui, s'il vous pla? t... Quelques jours... Je ne sais pas, huit, quinze... Non, douche, douche... Bon, etleprix?... Ah .'Trèsbien, etleprix ?.,. Ah.'... Je vais réfléchir, merci... Borine nuit.,. (l?  raccr&che.) Oui, j'ai visé un peu haut... Il faut que je réduise mes ambitions, j'avais un peu perdu de vue les tarifs d'hotel, ca n'aplus rien à voir... Vas-y, si tu veux...

CHARLOTTE                                  - Non, ya va, merci, je vais attendre encore un peu...

GEORGES                            - Ne te gène pas pour moi... C'est moi qui t'ai dérangée...

CHARLOTTE                                  - Je ne me gène pas du tout, et puis tu ne m'as pas dérangée, c'est ridiente...

GEORGES                            - Enfin, je disais ca... pour étre aimable...

CHARLOTTE                       - Oui, ca doit ètre le manque d'ha-b? tude, j'aiétésurprise, justement... (l? ngrand temps.) On a du mal à se parler, tous les deux, hein}...

GEORGES                            - Oui...

CHARLOTTE                       - On a toujours eu du mal... Tu te souviens, il y a dix ans, c'était pire... 11 faut dire que je n'étais pas très attentive, à l'époque... Enf? n, j'étais attentive à moi-raème.

GEORGES                            - Non, non, c'est moi, ca a toujours étémoi... (e n'ai jamais su te parler, et c'est vrai que je n'ai pas fait beaucoup de pro­grès...

Un grand temps.

CHARLOTTE                       - Tu es reste assez longtemps avec quelc|u'un,d'aprèscequem'ad? tMartine? ...

GEORGES                            - Oui.

CHARLOTTE                       - Et... Tu es parti pourquoi \...

GEORGES                            - 11 manquait une petite pointe d'amour.

Un temps.

CHARLOTTE                       - Bon, je vais essayer un autre numero... (Elle compose.) Oui, bon... (Elle soupuc) C'est fatigant pour les nerfs, on ne peut pas dire un mot en entier...

GEORGES                            - Et ce pauvre garcon, à qui tu téle- phonais, toutài'heure, iJenestoù > ji,j commencer à douter sérieusement, si ca « trou ve, ii Jutte con tre le .sommeil, àJ'heu qu'ii est?...

CHARLOTTE                       - Non, je pense qu'il d dù se cou cher... /el'ai libere...

GEORGES                            - C'est très h orine te de tapart.

CHARLOTTE                       - Je suis comme ca... Ah, bon-soir... Oui, 45.29.04.93... 93, c'est fa... Non, je ne quitte pas... Temps.

GEORGES                            - Tu rentres chez toi ? ...

CHARLOTTE                       - Oui... Je m'endormais, au salon... On ne peut jamais savoir combien de ternps fa dure, ces parties de poker... (Temps.) Et puis je suis gènée pour Jacques et Martine... l? s veulent certainement se coucher, fa doit les amuser modérément, toutfa...

GEORGES                            - Non, iJs sont tellement contents, ils feraientn'importequoi, pour vous faire plaisir...

CHARLOTTE                       - Pour LUI faire plaisir, tu veux dire...

GEORGES                            - Oui, pour lui faire plaisir...

CHARLOTTE                       - Moi, je ne suis que la fermale du cali/e, c'est accessoire... Enfiili, je ne me plains pas, je sais que les gens peuvent m'ignorer consciencieusement pendant toute une soirée, je suis maintenant habi-tuée au mépris... Mais là, j'étais censée retrouver des amis, je m'attendais à mieux, r exemple, Jacques a dù me dire deux ts en tout, ce so? r... De toute facon, c'est une tendance que j'ai : je m'attends toujours à mieux. (Un temps.) Oui ?... Ah merci...

jgle raccroche.

GEORGES                            - Tu l'aseu?

CHARLOTTE                       - Non. « Pas de volture pour le moment »...

GEORGES                            - Ah... Très b? en.

CHARLOTTE                       - )e vais attendre encore un peu...

GEORGES                                        - Voilà, je crois que j'ai une petite liste d'hòtels assez minables, ca devrait mieux correspondre... Alors, allons-y, Hotel des Voyageurs... ]e suis très fatigué, tu n'es pas fatiguée, toi \...

CHARLOTTE                       - Moi \... ]e frise le coma.,.

GEORGES                            - He he he he.., Allò, Hotel des Voya­geurs ? ... Excusez-moi, jevousréveillecer­tainement... Non, pas du tout ? ... Boti, est-ce que, par has... C'est très bien, c'est très professionnel... Mais je n'en doute pas... (Ungrand temps. L'autreparie beaucoup.) Enfin, peu importe, moi fa ne m'aurait pas dérangé du tout, que vous dormiez,.. Bravo, Monsieur, bravo... Eh oui... Si tout le monde faisait son travaii correctement, j'ai bien compris, est-ce qu'il vous reste des chambres \... Une seule \... Ah, pas une seule \,., Merci... Oui, je vais essayer. Merci, vous aussi. Jacques fait son apparinoti, exagérément abattu lorsqu'H apertoti Charlotte.

JACQUES                             - )e te demande pardon, Charlotte, je suis très emmerdé... Et Mattine aussi, on ne s'attendait pas du tout à fa, le contròie de cette soirée nous a complètement échappé. Fred ne se rend compte de rien, on a toia jours beaucoup de probJèmes avec lui, il n'a aucun discernement, il se comporte comme un irresponsable...

CHARLOTTE                       - Ce n 'est pas grave...

JACQUES                      - Je suis très emmerdé pour ton mari... li perd beaucoup...

CHARLOTTE                       - Ne t'en faispas, ceri'est pas très important, ce n'estpas la première fois qu'il joue, il aime beaucoup ca...

JACQUES                             - Je ne sais pas quoi te dire... Je suis plus qu'ennuyé... J'ai honte... J'ai très honte pour Fred... On ne sa? t plus où se mettre depuis tout àl'heure...

GEORGES                            - Elle te dit que ce n'estpas grave... Jacques: Tu permets?... Je parie à Charlotte...

CHARLOTTE                       - Cen'estpas grave, Jacques... Un tempi.

JACQUES                             - Moi, je suis désolé, je trouve au contrarre que c'est très grave... Tu essaies de me rassurer, c'est délicat de ta part, mais je sais que c'est très grave, c'est moi qui ai invite ton mari, qui vous ai d'ailleurs invités tous les deux, ce n'était pas pour vous faire tomber dans un guet-apens...

CHARLOTTE                       - Je te dis, et tu peux me croire, que mon mari estpassionnépar le jeu,il joue très souvent, quelquefois il gagne, quelque-fois il perd, mais sincèrement, tu n'as pas à t'en faire pour fa... Et de toute fac.on, tu n'y es pour rien, tu ne pouvais pas prévoir...

JACQUES                             - j'aurais dù... Connaissant Fred, j'aurais dù... Il n'a aucun scrupule... Si j'avais réfléchi un peu, je ne Paurais pas invite... Pfff... C'est minable, il est chez moi, il sa? t que je n'aime pas ses combines, mais il plonge sur la moindre occasion, il passe savieàessayer d'arnaquer les gens...

GEORGES                            - Et alors '( Qu'est-ce que ca peut te faire <!... Si les gens sont ci'accorci...

JACQUES                      - je ne te demande pas ton avis, Georges, je sais ce que tu penses de tout fa5 tu trouves fa très bien, toi... Ailleurs !! Ailleurs, je m'en fous, il fait ce qu'il veut, mais pas chez moi !!!... De quoi j'ai l'air, moi, hein^j'a? Vair dequoH

GEORGES                            - ]e peux te le dire, si tu veux... 11 y a un mot, qui me vient àl'esprit...

JACQUES                             - Ah oui ? ... Ehbien, dis-le...

GEORGES                            - Un candidat. Un petit tempi,

JACQUES                             - Quo? , un candidat \

GEORGES                            - Un candidat à quelque chose...

Un petti temps.

JACQUES                             - je ne comprends pas ce que tu veux dire, Georges, je ne suis pas d'humeur à étre subt? l, là, en ce moment, je ne peux saisir que des choses claires..,

CHARLOTTE                       - Je vous

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 il est écrivain, homme politique, journa-l? ste, et animateur de télév? s? on, il a des revenus!...

JACQUES                             - ia question n'est pas là, je te répète que je suis chez moi, et que personne ne se fera arnaquer chez moi !!!

GEORGES                            - Qui a parie d'arnaque ;... Tu es le seul à en parler ! Qui sous-entend devant Charlotte que son mari est en train de se faire voler ? ... Je ne veux pas te laisser dire ca, je l'ai regardé jouer pendant plus de deux heures, Fred ne triche pas, crois-moi, Char­lotte, il ne triche pas... Il joue à la régulière, il n'a forcé personne, il n'y a pas de victime, Jacques, il y a un type qui abeso? n d'argent, et qui en gagne... ]e ne vois rien d'immoral, là-dedans !!!... Et si tu n'étais pas aveuglé, je devrais dire « ébloui », tu t'en apercevrais aussi.

JACQUES                             - C'est TA facon de voir les choses, ne me dis pas comment je su? s, et comment je devrais ètre, moi je me trouve simplement civilisé, j'ai le sens de Thospitalité. (^a fa? t deux mois que tu en profites, tu devrais savoir de quoi je parie... A ce mommi, hedfait son entrée. Il a du mai à cacher sa foie.

FRED                                     -  Etvoilà...

CHARLOTTE                       - C'est fini ?

FRED                                     - Ou? ... Belle partie... Oufff... Très jolie partie... j'aitouchétoutceque j'aivoulu... Malheureusement pour lui, qui a très bien joué, d'ailleurs... Mais Jes cartes étaient pò* moi, cesoir...

GEORGES                            - Et tu gagnes combien ?

FRED                                     - Qua tre-vingt mille.

JACQUES                             - Quoi ?

FRED                                     - Quatre-vingt mille.

JACQUES                             - (à Fred) Et tu te crois ma? in ?...

Sur ces tnots, Martine entre en trombe,

MARTINE                             -  Jacques, jet'en prie, tu nepeuxpas Jaisser faire fa...

JACQUES                             - Je men occupe, Martine, je suis en train de m'en occuper... (À Fred.) Qu'est-ce que tu comptes faire ?... Fred, tu vas te comporter correctement, j"'espère... Tu ne vas pas les prendre...

MARTINE                             - Mais il les a pris, il les a déjà pris, iJ vient de lui donner un chèque... Jacques ; l?  t'a donne un chèque de quatre-vingt mille francs ?

FRED                                     - II les a perdus, il me les a donnés, il n'y a rien d'extraordinaire...

JACQUES                             - Et tu crois que je vais te laisser escro quer les gens chez moi ?...

GEORGES                            - Ca y est, les grands mots, c'est reparti...

MARTINE :                                       - (furieusement) Ou? , escroquer, exacte-ment !!!

JACQUES                             - Martine, ne commencons pas à hurler, ne faisons pas d'esclandre...

FRED                                     - Oui, j'ai gagné, j'ai gagné, on ne va pas en faire une histoire.,, : Non, ce n'est pas du tout ce que :evoulaisdire...

FRED                                     - Oui, mais moi, c'est ca que je voulais dire...

Un tempi-

JACQUES                             -Bon... tu asle chèque sur toi?...

MARTINE                             - Bien sur qu'il Va, jel'ai vu, je l'ai vu le prendre IH Ill'asur lui! \BD : je ne te dis pas le contraire, calme-toi, va prendre une douche froide, évidemment que jel'ai... (e l'ai, et jelegarde.

MARTINE                             - je ne veux plus te voir ici, c'est la dernière fo? s que tu mets les pieds dans cette maison !!!

FRED                                     - D'accord. C'est la dernière fois.

JACQUES                             - Tu veux garder cet argent ~i... Tu ne trouves pas que la plaisanterie est un peu longue, maintenant ? ...

Un tempii.

GEORGES                            - Tu l'as gagné, Fred, il est à toi, ce chèque... jet' ai vu jouer, tu asfait une belle partie, tu as complètement renversé la situa-tion... je t'ai trouvé beaucoup de sang-froid, etbeaucoup d'audace, personnellement... Il est à toi, ce chèque.

FRED                                     - Merci, Georges...

Un temps.

CHARLOTTE                       - Je peux me servir du téléphone, Martine pour un taxi \

MARTINE                             -  Oui, je t'ai déjà dit oui, vas-y... Sers- toi du téléphone !...

CHARLOTTE                       - (calmement) Merci... Tu es tr aimable...

Elle compose un numero et attend. Un temps.

JACQUES                             - Fred... Tu me dois combien ? Un petti temps.

GEORGES                            - (vers Charlotte) Je Je vois venir...

JACQUES                             - Et toi, Fred... tu me vois venir ?

FRED                                     -  Non, non, jesuis tout ama joie... Jene t'écoutaisque d'une oreille...

JACQUES                                         - Je te demande : tu me dois combien, à moi ?

FRED                                     - Soixante-dix mille... Ah oui, maintenant, je te vois venir... Un temps. Jacques sort son portefeuille.

JACQUES                             - Je te fais un chèque de dix mille francs, et tu vas me donnei" le tien eri échange,., Tu me dois soixante-dix mille, tu as cet argent sur toi, tu vas me le donner... Fred ; Et si je m'en vais, par exempie, corame si tu ne m'avais rien dit ? 

JACQUES                             - Tu ne partiras pas d'ici avant de m'avoir remboursé, Fred, il t'apayé ce qu'il te devait, tu as trouvé ca normal ?... AJors, paie ce que tu dois.

FRED                                     - Tu m'en empécherais, donc...

JACQUES                             - Qui.

FRED                             - Physiquement ? ...On va essayer, alors... fapeutse tenter... (Un temps. Fred se dirige vers la terrasse. Jacques passe devant, et s'interpose.) Eh oui... il m'en empéche... On ne peut pas toujours gagner. Vas-y, envoie-les, tes dix mille francs pourris... (Jacques s'exkute. l'échan^e F wkil Sans due un mot, Jacquesprendk chèque, et sort vers le salon. ?ms, Fred se retournant vers Manine 🙂 Tu peux ètrefière, toi... Un ? on$ temps, soupir de Georges. Frevj :    - (commepour répondre à Georges) II ne l'accep- terapas...

CHARLOTTE                       -  Oui,bons... Oui, je vais vousle donner, mais est-ce que e.avous dérangerait d'étre aimable, j'attends dix minutes, je vous dis bonso? r, vous ne me répondez pas, et vous allez me raccrocher au nez, maintenant, j'imagine ? ... Ah, c'est une chance... ? amais !... Jamais '.!'.! Personne ne parie jama? s correctement !! On n'est pas des animaux, merde '.!... Oui, s'il vous plait... d'accord, j'attends, merci beaucoup...

Jacques rement.

JACQUES                             - Bon, tout est réglé, je lui ai rendu son argent... L'incident est clos.

MARTINE                             - Très bien. Tu as très bien fait.

Un temps.

JACQUES                             - 11 était fat? gué, il m'a demandé de vous dire bonnenuit... (l? ntemps,) Ah, Fred... Il raccompagne Marylin...

Un tttnps.

MARTINE                             - II est parti \

JACQUES                             - Oui... il est parti.

FIN